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Un établissement reçoit quotidiennement par l’ARS les appels à la grève des différents syndicats nationaux et établit une feuille nominative qui circule dans tous les services pour que les agents déclarent s’ils sont en grève ou non. La conséquence directe de cette façon de faire est que quelques agents se mettent en grève au dernier moment et sur les heures de leur convenance. Il n’existe actuellement pas d’assignation.

  • L’avis transmis par l’ARS vaut-il comme déclaration préalable de 5 jours ou faut-il que l’établissement demande aux agents de déclarer dans un délai de 5 jours francs le préavis de grève ?
  • Les agents doivent-ils se signaler nominativement et dans un certain délai avant de faire grève (48h) ?

Les spécialistes en droit de la Santé d’HOSPIMEDIA Réponse Expert nous éclairent.

Réponse

Le droit de grève est une liberté fondamentale pour tous les agents de la fonction publique hospitalière. Il est reconnu dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, reconduit par la Constitution du 4 octobre 1958 qui, selon l’alinéa 7, «s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Cette disposition a été reprise à l’article 10 de la Loi n° 83-634.

Le préavis à l’exercice du droit de grève

En vertu de l’article L. 2512-2 du Code du travail, applicable aux agents des établissements publics chargés de la gestion d’un service public, la cessation concertée du travail en cas de grève doit être précédée d’un préavis.
Ce préavis émane d’une organisation syndicale représentative au niveau national, dans la catégorie professionnelle ou dans l’administration ou le service concerné.

Le préavis doit mentionner :

  • les motifs du recours à la grève ;
  • le champ géographique ;
  • l’heure du début et la durée limitée ou non, de la grève envisagée. 1

Le dépôt d’un préavis national dispense les organisations syndicales du dépôt d’un préavis local. En ce sens, le Conseil d’État a pu considérer que : « (…) le préavis d’une grève nationale, déposé auprès du seul Premier Ministre par une des organisations syndicales les plus représentatives, rend la grève licite à l’égard des agents répartis en un grand nombre d’établissements publics, sans que ceux-ci soient astreints à déposer, en outre, d’autres préavis auprès des directions des différents établissements auxquels ils appartiennent. »2

Ainsi, les personnels peuvent légalement participer à une grève pour laquelle un préavis d’ampleur nationale a été déposé auprès du Ministre en charge de la santé ou de la fonction publique, sans qu’il soit nécessaire de déposer d’autres préavis auprès des directions des établissements employeurs.
Lorsqu’une organisation syndicale dépose un préavis national, le Ministère chargé de la santé en informe par voie électronique les établissements publics de santé, sociaux et médico sociaux, via les agences régionales de santé (ARS).

Ce préavis doit parvenir 5 jours francs avant le déclenchement de la grève à l’autorité hiérarchique ou à la direction de l’administration concernée.
Ce délai de préavis de grève peut s’achever un samedi, un dimanche ou un jour férié.3

NOTA BENE : Pendant la durée du préavis, les organisations syndicales et l’administration employeur sont tenues de négocier.4

ATTENTION : Si cette obligation de préavis n’est pas respectée, l’Administration peut prendre des sanctions disciplinaires à l’encontre des agents grévistes.5

La déclaration des agents grévistes

Aucune disposition légale ou réglementaire ne vient acter une telle obligation envers les agents souhaitant faire grève.

Concernant plus globalement les limitations du droit de grève, le juge administratif a précisé qu’ « en l’absence de la complète législation ainsi annoncée par la Constitution, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d’en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l’ordre public ou aux besoins essentiels du pays ; qu’en l’état de la législation, il appartient à l’autorité administrative responsable du bon fonctionnement d’un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la nature et l’étendue de ces limitations pour les services dont l’organisation lui incombe ».6

L’autorité administrative peut donc fixer des limitations au droit de grève, notamment par le biais de note de service.

Ainsi, le juge administratif a estimé qu’ « en demandant à chaque agent d’informer son supérieur hiérarchique de l’horaire et la durée de la cessation d’activité, dans un délai de 48 heures à 24 heures avant la grève, afin de mieux organiser le service minimum, la note de service diffusée le 4 avril 2013 par le directeur général adjoint des hôpitaux de Toulouse en vue de la grève prévue le 9 avril n’a, ainsi que l’ont rappelé les premiers juges, ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à l’exercice du droit de grève par les agents qui le souhaiteraient. En particulier, elle n’empêche pas ces derniers de rejoindre le mouvement de grève à tout moment de celle-ci, ni ne leur fait obligation de se déclarer gréviste dès le début de ce mouvement. Dès lors, le syndicat général CGT n’est pas fondé à soutenir que l’autorité administrative, à qui il appartient de prendre des mesures nécessitées par le fonctionnement de ceux des services qui ne peuvent en aucun cas être interrompus, afin d’assurer notamment l’indispensable continuité des soins et la sécurité des patients, aurait porté atteinte au droit de grève ».7

Il est donc possible de diffuser une note de service qui demande aux grévistes de se déclarer dans un délai de 48 heures à 24 heures avant la grève, en précisant l’horaire et la durée de la cessation d’activité, puisqu’elle tend seulement à définir des modalités d’information permettant à l’administration de prévoir le remplacement des agents grévistes en faisant appel d’abord au volontariat des agents non grévistes et ensuite seulement à l’assignation d’agents grévistes.8

En revanche, « en imposant à chaque agent (…) de se déclarer gréviste, non pas 48 heures avant la date à laquelle il entend personnellement participer à un mouvement de grève, mais 48 heures avant le début de la grève fixé dans le préavis, la note attaquée apporte au droit de tout agent de rejoindre un mouvement de grève déjà engagé, des restrictions » qui excèdent ce qui est nécessaire pour prévenir un usage abusif de la grève9

Par conséquent, il convient de retenir qu’en mettant en place un tel fonctionnement de déclaration pour les agents grévistes, l’administration ne doit pas empêcher les personnels de rejoindre le mouvement de grève à tout moment.

De plus, les agents ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée dans le préavis. 10

Textes de référence

  • Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, article 10 ;
  • Code du travail, articles L. 2511-1 à L. 2512-5 ;
  • Code de la justice administrative, article L. 521-2 ;
  • Circulaire n°82-7 du 10 mars 1982 relative à l’exercice du droit de grève dans les établissements sociaux du secteur public.

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1 Art. L. 2512-2 du Code du travail.
2 CE, 16 janvier 1970, n° 73894, Hôpital rural de Grandvilliers.
3 Cass., 30 mars 2010, n°09-13065.
4 Art. L. 2512-2, al. 5 du Code du travail.
5 Art. L. 2512-4 du Code du travail.
6 CE, 06 juillet 2016, n° 390031.
7 CAA Bordeaux, 26 juin 2018, n°16BX02998.
8 CE, 08 avril 2013, n° 367453.
9 CE, 06 juillet 2016, n° 390031
10 CAA Lyon, 10 juillet 2018, n°16LY04496.